Comparait aujourd’hui devant la Cour criminelle de Montpellier un homme qui attirait ses conquêtes sur les sites de rencontres en se faisant passer pour un trentenaire. Ce lundi 25 octobre 2021, il sera jugé pour viols dits « par surprise » .
Il s’agissait en réalité d’un individu qui séduisait ses victimes sur internet via un site de rencontre et abusait d’elles selon un scénario bien rôdé, en se faisant passer pour un playboy et en imposant ensuite à ses victimes, qui ne l’avait jamais rencontré, des rapports sexuels, inspirés du best seller « 50 nuances de Grey », dans l’obscurité et les yeux bandés, sans négociation possible.
On rappellera que le viol est défini par l’Article 222-23 du code pénal comme » Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise. » et qu’il est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
L’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise au sens de ce texte.
Dans cette affaire, une femme âgée de 33 ans, a déposé plainte le 24 juillet 2014 pour des faits de viol contre un individu contacté sur un site de rencontre, qui s’était présenté comme étant » Anthony Laroche, 37 ans, 1m 78, architecte d’intérieur travaillant à Monaco, demeurant à Nice et qui avait joint une photo de playboy trouvée sur la toile censée le représenter.
Ellle a expliqué qu’une relation amoureuse s’était instaurée par téléphone, au cours de laquelle elle lui avait confié son passé sentimental, son enfance marquée par des attouchements sexuels dont elle avait été victime ainsi que son manque de confiance envers les hommes. Plusieurs mois plus tard, elle avait accepté d’aller à son domicile pour une première rencontre qui devait être, selon l’expression employée par l’homme, « magique ». Conformément à la demande de ce dernier, elle devait entrer dans l’appartement, se bander les yeux sans l’avoir vu, se mettre nue et le rejoindre dans la chambre guidée par sa voix.
Après lui avoir attaché les mains au montant du lit, l’homme avait eu une relation sexuelle avec elle. A l’issue, il l’avait détachée et autorisée à enlever son bandeau: elle avait alors découvert qu’il ne correspondait pas au profil « internet »du site de rencontre mais était un « vieil homme » à la peau fripée et au ventre bedonnant; agé de 68 ans, résidant à Nice et bien connu des services de police pour des affaires similaires, classées sans suite.
Le 16 mars 2015, en dépit de la garde à vue dont il avait fait l’objet, l’individu devait utiliser le même procédé avec une autre femme, en situation de détresse psychologique, à laquelle il avait fait croire à une vraie relation amoureuse.
Immédiatement interpellé et placé en garde à vue, il reconnaissait les faits, qu’il avait procédé ainsi avec de nombreuses autres femmes, estimant également que ses partenaires avait consenti à cette relation sexuelle et qu’il n’avait exercé aucune violence sur elle.
Mis en examen, le 19 mars 2015, des chefs de viols aggravés sur des victimes non identifiées entre 2009 et 2015, il n’a pas contesté que, sans les fausses données transmises à ces femmes, il n’aurait pu parvenir à ses fins.
Au terme de l’information, le juge d’instruction a ordonné sa mise en accusation du chef de viols commis par surprise sur des victimes mises en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation d’un réseau de communication électronique.
L’accusé devait interjeter appel de cette décision.
L’ordonnance du juge d’instruction était infirmée, les juges d’appel retenant notamment que si le stratagème utilisé a pu incontestablement constituer un moyen pour amener les plaignantes à se présenter au domicile de l’individu et qu’elles avaient accepté d’avoir une relation sexuelle, suivant un scénario élaboré par celui-ci, qu’elles étaient capables d’analyser une situation pour le moins « originale » et le cas échéant, de s’y dérober, aucune contrainte ou menace sérieuse n’étant exercées contre elles ; qu’à l’issue, elles savaient que le bandeau leur serait enlevé .
Dans un arrêt n°3675 du 23 janvier 2019 (18-82.833), la Cour de cassation a statué sur cette notion de viols commis par surprise sur des victimes mises en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation d’un réseau de communication électronique.
Pour la chambre criminelle, en énonçant ainsi que la surprise ne pouvait être assimilée au sentiment d’étonnement ou de stupéfaction des plaignantes lors de la découverte des caractéristiques physiques de leur partenaire, alors que l’arrêt d ‘appel avait caractérisé l’emploi d’un stratagème, la chambre de l’instruction a méconnu le texte de l’article 222-23 du code pénal.
L’élément de « surprise » dans les faits de viols demeure rare et difficile à caractériser. Il n’y a en effet pas vraiment de définition stricte de la « surprise ».
On peut évoquer par exemple cette femme qui dormait sous une tente avec son compagnon. Ce dernier est sorti et un autre homme est entré dans la tente qui a commencé à avoir un rapport sexuel avec elle. la victime s’était laissé faire, pensant qu’il s’agissait de son ami et s’étant ensuite retournée, elle s’est rendu compte qu’il s’agissait en réalité d’un autre homme. Ce dernier a été condamné à une peine de 8 ans ferme d’emprisonnement.
Il n’y a donc pas de consentement puisque la victime pense avoir affaire à quelqu’un, et qu’il se trouve que ce n’est pas la personne à laquelle elle pensait.
Le faux playboy va donc être jugé par la Cour criminelle sur ce fondement.